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Archives · Répression politique au Guatemala: le pouvoir des entreprises étrangères face aux populations autochtones

Le 15 mars dernier, Rubén Herrera, membre de notre association partenaire CIDECA au Guatemala, a été arrêté dans le département de Huehuetenango. Nos volontaires l’avaient rencontré dans le cadre de notre projet international au Guatemala. Rubén Herrera était également venu en Belgique à l’occasion d’une rencontre organisée par Quinoa.

Son arrestation s’inscrit dans une stratégie de persécution et de terreur communautaire que déploie la compagnie Hidro Santa Cruz, soutenue par le gouvernement du Guatemala et les autorités espagnoles, afin d’empêcher toute opposition à la construction de leur centrale hydroélectrique Cambalam à Santa Cruz Barillas.

Cette situation n’est pas née d’hier. La construction de la centrale hydro-électrique, projet financé par l’entreprise espagnole d’énergies renouvelables Ecoener, pose problème depuis 2007 à Barillas. À l’époque, les habitants ont été consultés et plus de 60 % d’entre eux ont refusé ce projet. Un rejet motivé par plusieurs raisons : il existe trois chutes d’eau sur le lieu de construction de la centrale. Elles servent d’aires de jeux pour les enfants mais aussi de source d’eau pour irriguer les champs. Or, le projet prévoit de canaliser l’eau sur deux kilomètres et demi. La centrale contrôlera donc de fait ces points d’eau aujourd’hui accessibles.

Mais plus que tout, cet endroit est sacré pour la communauté maya du Q’anjob’al qui y organise des cérémonies religieuses. C’est un culte vieux de plusieurs milliers d’années et toute une richesse culturelle qui sont menacés.

De plus, pour les mayas, la terre n’est pas une simple composante de la nature. Son nom Madre Tierra (mère) fait référence au fait qu’elle est source de toute vie. Profiter de ses richesse pour faire fortune va donc à l’encontre de la culture maya.

Enfin, une bonne partie de l’électricité générée par la centrale est destinée à l’exportation et non à l’alimentation des villages alentour. L’entreprise est la filiale d’une firme espagnole, Ecoener, qui refuse tout dialogue avec la population. Déjà en 2009, des dommages mystérieux avaient été causés dans les champs avoisinants ces points d’eau. Depuis, l’entreprise a multiplié ses méthodes de provocation et d’intimidation envers les habitants, voire de menaces à l’encontre des chefs communautaires. Ces derniers ont porté plainte et dénoncé ces abus auprès des autorités mais leurs requêtes sont restées sans réponse.

Dans un monde où le respect de l’environnement et des ressources naturelles est une exigence de plus en plus pressante, le combat de cette population est compréhensible. Pourtant, à Santa Cruz Barillas, les accusations infondées, les détentions illégales, les intimidations et le contrôle militaire de la population augmentent. Plus de 20 leaders communautaires, y compris Rubén Herrera, sont poursuivis, accusés ou subissent des procès teintés d’irrégularités, ce qui met en doute l’impartialité des juges et des procureurs.

Rubén Herrera est lui-même accusé de « menaces, violation de domicile, terrorisme, détentions illégales, pression, incendie, activité nuisant à la sécurité intérieure de la nation et attentat contre la sécurité des services d’utilité publique ». A la demande de l’avocat de Hidro Santa Cruz, le juge Luis Fernando Pérez Zamora a accepté d’inclure les charges de plagiat et de kidnapping aux précédentes accusations. Or Rubén Herrera essayait justement de se faire l’intermédiaire entre la compagnie espagnole et la population afin de mettre en place un dialogue constructif et d’éviter par la même un conflit majeur.

Hidro Santa Cruz a maintes fois utilisé ces méthodes peu orthodoxes: auto-sabotage, protection de ses agents de sécurité responsables d’avoir provoqué la mort, le 1er mai 2012, de Andrés Francisco Miguel et les agressions contre Pablo Antonio Pablo et Esteban Bernabé, simplement parce qu’ils s’opposaient  à la vente de leurs terres…

Hidro Santa Cruz ne reconnaît pas que, le 23 juin 2007, 46 490 habitants de Santa Cruz Barillas ont affirmé leur souhait qu’aucune entreprise ne s’approprie leurs biens naturels. Elle ne reconnaît pas non plus les plus de 100 procès-verbaux municipaux de réunions communautaires qui font opposition à la présence minière, hydroélectrique et d’entreprises étrangères à Santa Cruz Barillas. Elle va jusqu’à se moquer de l’autonomie municipale car, dans la convention de privilèges qu’elle cherche à imposer, elle se réserve le droit de décider quels projets approuver.

Les abus de Hidro Santa Cruz sont les mêmes qui sont en train d’être commis par d’autres entreprises dans tout le Guatemala. Ce sont des entreprises qui reçoivent l’appui total des forces de sécurité de l’Etat et des autorités politiques. Les arrestations illégales, les intimidations, les assassinats et la répression constituent une grave menace pour la démocratie et le droit à la citoyenneté. Les délogements, l’usurpation de lieux sacrés, le vol et la contamination de l’eau ainsi que le mépris des consultations communautaires sont des politiques destructrices malheureusement banales au  Guatemala. Le gouvernement a oublié sa mission de protéger ses propres populations. En continuant à consentir des licences d’exploitation à des entreprises étrangères sans tenir compte de l’avis de la population locale, l’État ne fait qu’entretenir ces tensions. Récemment, le gouvernement guatémaltèque a déclaré l’état de siège dans la région de Barillas, autorisant la présence armée des forces de l’ordre et interdisant les regroupements de citoyens. On est bien loin de ce que stipule la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui a été adoptée par le Guatemala en 2007.

Signez la pétition pour la libération immédiate de Rubén Herrera!

Plus d’information via la page Facebook ‘Liberacion para Ruben Herrera’

Sources:
http://www.ghrc-usa.org/resources/press-room/comunicadobarillas/
http://wagingnonviolence.org/feature/we-are-all-barillas-a-new-moment-in-guatemalas-anti-extraction-movement/
http://observers.france24.com/fr/content/20120515-revoltee-projet-centrale-hydroelectrique-ville-maya-guatemala-santa-cruz-de-barillas-placee-sous-etat-de-siege